IA & gestion du temps : arrêter de « gagner des minutes », commencer à (ré)allouer notre temps
4 novembre 2025Dans nos métiers, on court souvent après la bonne appli, le bon script, le bon prompt. L’IA promet d’accélérer la rédaction d’emails, la préparation de rendez-vous, la synthèse de comptes rendus, le tri d’informations. Autrement dit : gagner du temps. En tant que vendeurs, nous savons que « occupé » ne veut pas dire « performant ». Le vrai sujet n’est pas la minute gagnée ; c’est ce qu’on en fait.
Le DCF Lab a inauguré sa série d’articles d’experts avec une question simple et percutante : et si le temps gagné grâce à l’IA servait enfin… à vendre ? On partage ce cap. La valeur ne vient pas de l’outil, elle vient de la façon d’allouer notre temps à ce qui pèse sur la relation client, l’avancement d’étape, la qualité d’exécution. (Lire l’article des Experts du DCF Lab : IA commerciale : et si le temps gagné servait enfin à vendre ?).
Quand on confie trop de choses à l’IA d’un coup, on dilue l’attention et on perd le fil : plus d’informations, pas forcément plus d’impact. À l’inverse, quand on avance par cas d’usage très ciblé, on garde la main. On choisit un périmètre précis (par exemple : préparer nos rendez-vous clés), on définit à l’avance ce que « bien faire » veut dire, on mesure avant / après sur quelques repères lisibles, qualité perçue côté client, temps réellement économisé sans perte de qualité, effet sur l’avancement commercial. Puis on décide : on garde tel usage, on ajuste tel autre, on abandonne le reste. Et seulement ensuite, on passe au cas d’usage suivant. Pas encore « Jarvis », pas de poudre magique : des itérations courtes et tranchées.
Dit autrement : l’IA accélère l’exécution ; la direction, c’est nous. Sans cap, on va juste plus vite dans la mauvaise direction. Avec un cap clair, on transforme des minutes gagnées en potentiel mieux alloué : mieux briefer un entretien, clarifier une proposition, qualifier une opportunité, sécuriser une prochaine étape. Parfois, on choisit même de ne rien ajouter. Garder une marge de respiration, c’est aussi de la performance : on réfléchit mieux, on écoute mieux, on décide mieux.
Ce cadrage évite deux écueils qui nous guettent tous. Le premier : confondre « production » et « progression ». On peut générer plus d’e-mails, plus de documents, plus de notes… sans avancer d’un millimètre dans le cycle de vente. Le second : laisser l’IA prendre la main sur ce qui relève de notre jugement. L’outil structure, trie, reformule ; nous choisissons l’angle d’un deal, la ligne d’argumentation, le moment de dire non, la densité du silence en rendez-vous. L’IA peut proposer dix options ; notre métier consiste à en assumer une.
Dans la pratique, on gagne en constance quand on fige ce qui fonctionne. Dès qu’un cas d’usage donne des résultats nets, on stabilise un gabarit, on garde deux ou trois consignes qui suffisent à reproduire la qualité, et on évite de « réinventer » chaque semaine. C’est là que l’IA devient un levier de régularité, pas un générateur d’aléas. À l’inverse, si les repères n’évoluent pas franchement à la hausse, on coupe. Sans états d’âme. Avancer, c’est faire des choix.
On peut objecter que tout cela demande de la discipline. Oui, et c’est une bonne nouvelle. Parce qu’avec un cap, la prise de décision devient plus simple : on délègue à l’IA ce qui sert nos objectifs, on met de côté ce qui brille et disperse. On cesse de confondre « nouveaux usages » et « résultats ». Et surtout, on restaure un lien sain entre méthode et outils : la méthode choisit l’outil, jamais l’inverse.
Au fond, ce qui change avec l’IA n’est pas notre responsabilité, c’est sa visibilité. Les arbitrages que nous faisions déjà (où passer du temps, pourquoi, avec quel effet) deviennent mesurables plus vite. Tant mieux. C’est exactement l’esprit du DCF Lab : observer, tester, mesurer, diffuser ce qui marche
On n’a pas besoin d’une liste infinie d’outils ; on a besoin d’un cadre. Un cas d’usage à la fois. Des critères clairs. Une décision datée. Ce qu’on garde doit libérer du temps pour la relation, pour l’avancement, pour la qualité, pour les résultats. Le reste attendra. Gagner des minutes, c’est facile ; bien les investir, c’est notre métier.